Alors qu’au détour d’une longue interview chez nos confrères de Jeune Afrique, le premier ministre Julien Nkoghe Bekale a montré son satisfecit par rapport à la situation économique actuelle, en se basant notamment sur les récentes conclusions du FMI, le rapport de la Cour des comptes pour sa part n’a pas manqué de souligner les difficultés du gouvernement dans le processus de recouvrement des impôts.
La « mobilisation des recettes fiscales est au cœur du programme mondial pour un développement durable », tels étaient les mots de la Banque mondiale en 2015, au moment même où la fuite de documents confidentiels révélait l’ampleur du patrimoine financier dissimulé dans les paradis fiscaux par certains hauts dignitaires africains.
Loin d’être épargné par ce phénomène traduit par d’énormes difficultés à mettre la main sur les restes à recouvrer, le gouvernement gabonais semble être aux abonnés absents comme en témoigne le dernier rapport de la Cour des comptes. En effet, dans ce rapport, la juridiction financière révèle qu’entre 2002 et 2018, ce sont pas moins de 73,7 milliards de FCFA qui n’ont pas été recouvrés par les services des impôts et douanes.
Avec 72,63% du montant total de ses arriérés, les impôts enrôlés chiffrés à 53,48 milliards de FCFA, en constituent le principal. Preuve des difficultés, voire de l’incapacité du gouvernement en matière de recouvrement de ces impôts, sur ces 53,48 milliards, seulement 59,4 millions de FCFA ont été recouvrés entre 2016 et 2018, dont…625 000 FCFA pour l’exercice 2018.
Trop peu, trop faible, ces difficultés dans le recouvrement soulignent l’absence de volonté du gouvernement dans le processus d’apurement de ses restes à recouvrer. Mieux, elles vont de pair avec sa volonté de recourir systématiquement à l’emprunt, comme en témoignent les 606,07 milliards de FCFA d’emprunts pour le seul exercice 2018 réparti entre prêts projets, prêts programmes, dons, et émissions obligataires.
Représentant le montant que vient d’approuver le Fonds monétaire international (FMI) à l’endroit du Gabon soit 74 milliards de FCFA dans le cadre de l’accord élargi au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC), ces restes à recouvrer mettent par ailleurs en doute la capacité des « comptables publics » à assurer ces opérations conformément à l’article 55 du décret 0094/PR/MBCP du 8 février 2016.
Destiné à être passé en « non–valeur » conformément au délai de prescription de 4 ans suivant la date d’exigibilité de la créance, cette somme importante est révélatrice du manque à gagner occasionné par la faiblesse des institutions gabonaises. Ajouté aux montants faramineux des exonérations, on obtient un cocktail rendant difficile l’impulsion d’une dynamique de croissance inclusive.