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Le Football gabonais: ce sinistre champ de ruines que la qualification des Panthères tente de masquer

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Euphoriques, à juste titre, après la qualification des Panthères pour la CAN 2021, le monde du football et le peuple gabonais n’en oublient pas pour autant que notre football traverse une crise multidimensionnelle grave et d’une ampleur jamais vue. Championnat à l’arrêt, salaires impayés, joueurs vivant dans la précarité, revenus des clubs inexistants, gouvernance globale illisible et improvisation permanente… Le football gabonais est dans la tourmente. Nul ne sait si le championnat reprendra ni quand. Et, sans argent, c’est la fin définitive pour certains clubs historiques.

Les férus du football gabonais étaient pendus devant le match Gabon – RDC jeudi dernier à Franceville. La qualification acquise, pendant que certains feindront que tout va bien (les dirigeants dans leur globalité), d’autres craignent de voir leur football gabonais mourir de sa belle mort (les footballeurs, anciens et nouveaux, et le grand public).

Malgré une qualification pour la CAN 2021, le football est en plein chaos

Comme le divertissement, l’aérien ou le tourisme, le football est un secteur sinistré. Notre foot est en danger, comme le sport gabonais dans son ensemble. Et, nous ne sommes qu’au début d’un désastre qui devrait durer quelque temps… Les acteurs tiennent depuis des mois, des années même pour les plus passionnés ; mais, ne leur demande-t-on pas un peu trop ? 

Certains clubs sont au bord du gouffre et devront peut-être disparaitre, si ce n’est déjà le cas. Les footballeurs eux sont dans une précarité extrême (expulsions de logements pour défaut de paiement de loyer, enfants non scolarisés pour cause de non-paiement des frais de scolarité, etc.). D’autant que certains trainent toujours d’importants arriérés de salaires non versés. Leurs contrats, lorsqu’ils existent, sont méconnus. Ils n’ont ni véritable statut juridique ni sécurité sociale.

Notre sport-roi est dans une confusion telle que l’Association Nationale des Footballeurs Professionnels du Gabon (ANFPG) s’est vue obligée d’adresser une lettre ouverte au chef de l’Etat le 15 mars, pour notamment faire des propositions pour une sortie de crise. Passant outre les instances intermédiaires que sont la FEGAFOOT et le ministère des sports. Bonne ambiance donc !

Les joueurs gabonais évoluant localement n’ont quasiment aucune chance de jouer pour l’équipe nationale : vu qu’ils ne pratiquent pas leur métier de façon régulière depuis des années. Une telle dépréciation du National Foot pousse les quelques talents que nous avons encore à émigrer. Provoquant ainsi le désintérêt du grand public, des sponsors et partenaires pour le championnat local.

Dans le football gabonais, on croit plus aux miracles qu’à la vision et au travail à long terme

Lorsque le Gabon gagnait la CAN U23 en 2011, les perspectives étaient des plus optimistes. Mais, ce prestigieux succès n’a eu aucune suite. Comme tant d’autres d’ailleurs au Gabon. Qu’est cette génération de champions devenue ? Quel gâchis !

Chez nos voisins, Cameroun, Sénégal, Mali…, on mise sur la jeunesse, sa détection, sa formation tout en établissant des partenariats avec les clubs européens. Ce qui rend cela possible, c’est la qualité des projets, la vision et la détermination portées par les dirigeants et acteurs locaux de ces pays. Notre sélection nationale est l’exemple parfait de cette absence de vision à long terme.

Avec nos dirigeants, c’est tout pour les Panthères, le néant pour les autres. Suite à la victoire sur la RDC, le ministre des Sports s’est réjoui et songe déjà à la qualification pour le Qatar en 2022. S’il atteint cet objectif, il fera certainement du Gabon le premier pays au monde à réussir cet exploit sans véritable championnat local depuis 3 ans. Nous lui adressons ici, par anticipation, nos vives félicitations pour cette vision éclairée qu’il a de la gestion de notre football. 

Nous appelons quand même son attention sur ce que, lors des quatre dernières éditions de la CAN, le Gabon n’a participé qu’à deux d’entre elles (dont une en tant que pays organisateur), au cours desquelles il s’est d’ailleurs fait éliminer sans gloire dès le premier tour. Y voit-il une marque de progrès ou de développement de notre football ? Ou alors est-ce là la manifestation de la vision du football qu’a notre ministre et qui se traduit dans les faits, tant en termes de résultats que d’organisation ?

La classe dirigeante du football gabonais : des professionnels de l’amateurisme ?

Le désordre et l’inorganisation sont l’essence de la gestion du football au Gabon. Passé sous le pseudo statut professionnel en 2012, et financé à coups de milliards de F CFA par le contribuable gabonais, sans que ce dernier n’ait véritablement eu à donner son avis favorable, notre football n’est jamais sorti du moyen-âge. Le championnat s’est voulu professionnel ; mais, ni sa régularité et plus globalement sa qualité ne se sont améliorées.

Dans les milieux populaires, on souligne « l’amateurisme » des dirigeants du football gabonais dans leur ensemble. Chaque saison, tandis que les férus du sport-roi et les joueurs attendent avec impatience le retour dans les stades et sur le terrain, la reprise du National foot est sans cesse annoncée et reportée. Et, lorsque la compétition doit enfin se jouer, c’est le format retenu qui paraît problématique et qui souligne le mal profond du football gabonais.

Pour la dernière édition, le président de la LINAFP, Brice Mbika Ndjambou, avait indiqué, « nous jouerons en amateur cette saison, afin de mieux préparer la saison prochaine ». Il n’y a que dans l’entre soi du football gabonais ou de telles mesures, aussi insuffisantes qu’inefficaces, donnent l’illusion d’une avancée. Tôt ou tard, nos dirigeants devront donc expliquer au peuple gabonais les difficultés qu’ils éprouvent à mettre en place un championnat national de qualité et régulier, respectant les normes minimales attendues.

Aux dirigeants de notre football, nous disons que la professionnalisation c’est d’abord un état d’esprit et une exigence qui s’impose à chacun avant de l’imposer aux autres. Le respect des règlements et de l’éthique doit demeurer un devoir constant. Cela doit être une exigence de tous les instants et à tous les niveaux. Pour reprendre le président de l’association des clubs, Landry Nkeyi, « le football moderne ne doit plus être l’apanage des élites institutionnelles, il doit être une construction concertée de l’ensemble des acteurs notamment les ligues, clubs, joueurs… ».

L’impact de la gestion de la Covid-19, une autre raison de désespérer

L’annonce d’une fin de saison prématurée en 2020 est une catastrophe à tous les niveaux. Entre le désastre lié au non versement de la subvention et l’impact de l’arrêt des championnats, les clubs de National Foot sont dans une situation désespérante. Le robinet d’où coule sa principale source de revenus est fermé.

Le football gabonais, nous l’avons dit, vit actuellement une crise économique majeure, qui menace la pérennité du National Foot, l’existence de la LINAFP et de nombreux clubs. Mais comment en est-on arrivé là ?

 La gestion de la pandémie de Covid-19, par nos autorités, contraint depuis des mois les clubs et joueurs à l’arrêt de toutes activités… L’une des conséquences est l’absence de visibilité qui entraine la perte des revenus liés aux transferts des joueurs ou aux partenariats de toutes sortes (sponsoring notamment), lesquels constituent des sources non négligeables dans la vie d’un club. 

Ce qui est certain, c’est qu’au-delà de tout ce que nous dénonçons ici, la compétitivité des clubs gabonais, qui n’était pas déjà extraordinaire, va encore se dégrader au détriment des autres pays d’Afrique noire…Si nos championnats locaux ne reprennent pas au plus vite, il faudra peut-être des années à notre football pour s’en remettre et de nombreux clubs auront peut-être purement et simplement disparu de la carte.

Face à cette situation, que fait le gouvernement ?

Gregue-Nguele, Editorialiste

Gabon Media Time

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