« Le Copil effectue un travail important tous les jours. Lutter contre une maladie qui entraîne des décès, lutter contre un virus qui entraîne en moyenne une centaine d’hospitalisations par jour. Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est la santé de la population gabonaise ». Tels étaient les mots du Dr. Guy Patrick Obiang Ndong, porte-parole du Comité de pilotage du plan de veille et de riposte contre l’épidémie à Coronavirus au Gabon (Copil-Coronavirus) pour décrire sa mission. Une mission pour laquelle le gouvernement a engagé la somme colossale de plus de 400 milliards de FCFA, pour des résultats qui jusque-là s’avèrent mitigés à l’image d’une riposte inefficace selon certains observateurs et qui ne se réduit qu’à la seule notion comptable du nombre des cas de contamination chaque semaine.
Débutée au Gabon le 12 mars dernier au Gabon, la pandémie de la Covid-19 a depuis lors gagné du terrain, puisqu’aujourd’hui, ce sont pas moins de 6000 cas qui ont été confirmés dans le pays, représentant près de 0,22% de la population pour 46 décès. En conséquence, c’est près d’un Gabonais sur cinquante qui serait atteint par ce virus. On est donc loin des assurances et du positivisme brandis par le Copil-Coronavirus et le gouvernement au moment où ils présentaient le plan de riposte national comme le plus efficace de la sous-région.
Quatre mois après l’arrivée de la pandémie sur le sol gabonais, des pays comme le Congo Brazzaville ne comptent actuellement que 2028 cas positifs, la Guinée Equatoriale 3071 cas positifs et le Tchad 880 cas positifs, pour ne citer que ceux-là. Le nombre total des cas positifs de ces trois pays voisins dont la population cumulée est de près de 22 millions d’habitants, est inférieur à celui du Gabon qui compte sensiblement à peine 1 million 800 habitants. Une vision de l’efficacité à la gabonaise qui est aux antipodes de celle conventionnellement reconnue.
Avec plus de 419 milliards de FCFA, selon les chiffres compilés par Geoffroy Foumboula Libeka Makosso, acteur de la société civile, qui incluent aussi bien la contribution publique, les emprunts et les dons, le Gabon est peut-être l’un des pays ayant le mieux répondu à l’invite de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA). Cette dernière préconisait une « mobilisation rapide de fonds pour les dépenses liées aux soins de santé d’urgence et aux dispositifs de sécurité sociale ». Et ce, contrairement à des pays comme le Burkina Faso qui a engagé moins de 200 milliards de FCFA ou le Cameroun qui a décidé d’engager 296 milliards de FCFA en 2020, avec une population dix fois plus importante que celle du Gabon.
Néanmoins, le rendement de ce plan de riposte mis en place par le Copil-Coronavirus Gabon pose un certain nombre de questions, notamment celles liées à son efficience. Ainsi, quatre mois après le début de la pandémie et trois mois après le vote de la loi sur les catastrophes naturelles, les cas de Covid-19 ne cessent d’augmenter quand l’économie pour sa part n’arrête pas de décliner. On en veut pour preuve la perte substantielle des recettes budgétaires qui devraient en 2020 se situer autour de 600 milliards de FCFA dans la loi de finances rectificative, au lieu de 1900 milliards prévus lors du vote de la loi de finances initiale. A cela il faut ajouter la misère sociale qui s’est davantage accentuée à la lumière de l’effectivité des mesures d’accompagnement dont l’impact est resté dérisoire chez les Gabonais.
Entre confinement (partiel ou total) et déconfinement du « Grand Libreville », le gouvernement montre de plus en plus des limites dans la gestion de cette crise et s’englue inexorablement dans ses propres contradictions en souhaitant par exemple faire payer des tests dits VIP à 20 mille francs quand le Chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba, avait instruit le gouvernement de ce que « le diagnostic et le traitement des patients atteints de la Covid-19 doivent être uniformes et pris en charge par l’Etat ». Une assertion qui a d’ailleurs été reprise par le Syndicat des médecins fonctionnaires du Gabon présidée par le Dr. Adrien Mougougou, dans un communiqué daté du lundi 13 juillet 2020.
Dans un contexte où la Covid-19 impacte fortement les finances des Gabonais, amputer un tel montant de leurs bourses relève à la fois d’un comportement mercantiliste qui fait le lit à une stigmatisation éhontée en catégorisant les populations entre les VIP et les non VIP dans l’accès au service public de la santé. Une démarche du reste anticonstitutionnelle, car rompant le principe d’égalité des citoyens.
A cette incurie vient se greffer le procès en irresponsabilité et en indiscipline des populations qui bien que réel ne saurait être imputable qu’à la seule gestion catastrophique de la crise par le gouvernement. Un peuple affamé, précarisé, ne peut manifestement pas rester chez lui. Qui pourrait le blâmer ?
Loin d’avoir porté ses fruits, la stratégie des autorités gabonaises semble donc aujourd’hui invariable, immuable, surannée, en se limitant à compter le nombre de cas. Entre absence de réactifs, manque de matériel de dépistage, longue attente des résultats, scandale dans la gestions des déchets médicaux et dans la désinfection des lieux publics, le bilan est catastrophique.
Pis, de nombreux témoignages soulignent l’incapacité des structures sanitaires à accueillir les (potentiels) malades, une incongruité au regard de la manne financière décaissée par l’Exécutif pour renforcer le système de santé (66 milliards de FCFA), mais également par les partenaires techniques et financiers (85 milliards de FCFA). Loin du compte, malgré les nombreux dons collectés, notamment 60 millions de Gabon Telecom, 30 millions de la Fondation Seydou Kane, 90 millions d’UBA Gabon, 50 millions Airtel, 415 millions de la Communauté libanaise du Gabon, 100 millions de la BICIG, 102 millions pour les membres du gouvernement et deux contributions du chef de l’Etat Ali Bongo de plus de 6 milliards, en plus des dons des organismes internationaux, la stratégie de riposte se révèle inefficace.
Entre solutions cosmétiques et assurances de gérer de manière rigoureuse et transversale, une crise sanitaire qui se devait d’être prise avec beaucoup plus de sérieux et de sérénité, le gouvernement n’aura finalement pas été à la hauteur de la mission qui lui a été assigné par le président de la République Ali Bongo Ondimba, d’une situation qui du fait de ses restrictions, pourraient conduire à la faillite de nombreuses PME et TPE. Ce qui au final pourrait s’avérer bien plus dramatique encore sur le long terme. D’ailleurs l’absence de la présentation du bilan financier des 4 premiers mois de la riposte lors de la conférence du lundi 13 juillet en dit long.