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Gabon: et si c’était Engongah Owono à la Primature ?

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La dernière colère du Président de la République Ali Bongo Ondimba face aux membres de son gouvernement le 10 août dernier lors du Conseil des ministres, a confirmé, s’il en était encore besoin, l’urgence d’un remaniement gouvernemental devant préparer les élections de 2023. Parmi les potentiels premiers ministrables, des noms reviennent régulièrement, dont celui, ces derniers temps, de François Engongah Owono.    

« C’est le fidèle des fidèles », il fut d’ailleurs le premier secrétaire général de la Présidence de la République à la suite de l’accession d’Ali Bongo Ondimba à la magistrature suprême. L’homme comptabilise plus de quarante années de compagnonnage avec le chef de l’État actuel et le Parti démocratique gabonais (PDG), il est loin d’être un inconnu du Landerneau politique. François Engongah Owono, puisqu’il s’agit de lui, a vu son nom s’ajouter à d’autres pressentis au poste de Premier ministre afin de préparer les élections de 2023. Pour ce grand rendez-vous qui mettra « le distingué camarade » face au peuple gabonais pour la troisième fois, le succès de la campagne électorale se mesurera à l’aune des personnes d’expérience devant constituer son staff. 

L’inertie du gouvernement actuel, ajoutée aux nombreux cris d’orfraie des populations engluées dans la vie chère, le chômage des jeunes diplômés et dont le chef de l’Etat s’est fait l’écho, d’abord directement auprès du Premier ministre Rose Christiane Ossouka Raponda, lors d’un tête à tête, puis fermement aux membres du gouvernement le 10 août dernier, en Conseil des ministres, confirment cette volonté de remaniement de l’équipe gouvernementale. 

Mais, la nomination d’un Premier ministre originaire du Septentrion reviendrait encore à commettre une infidélité vis-à-vis de la loi omarienne non écrite en vigueur. En effet, celle-ci a toujours réservé le poste de Premier ministre à un membre de la communauté fang originaire de la province de l’Estuaire. Mais la politique étant essentiellement dynamique, des dysfonctionnements sont apparus au fil de son implémentation.

Selon un observateur du milieu politique estuarien, « Le système rotatoire a marqué des failles dans son fonctionnement. Des divisions au sein du grand groupe fang essentiellement, sont apparues. On a vu la naissance de micro tribus et de clans qui se sont repliés sur eux-mêmes avec chacun son leader : Oyek, Essissen, Essibekan, Essametô, Bekpwè etc., se regardaient désormais en chiens de faïence. Mieux, certains clans, à cause de leur proximité génétique ou généalogique avec le clan de Léon Mba, ont estimé être plus légitimes à la fonction de Premier ministre. », fustigent-ils. Conséquence, c’était l’auto neutralisation entre camarades, le pourrissement permanent et le sabotage entre fils de la même circonscription.

Cette guéguerre interne a fait deux victimes collatérales en 2016 dans l’Estuaire : le PDG et Ali Bongo Ondimba avec les mauvais résultats obtenus par le candidat du PDG. Enfin, l’élite politique de la province de l’Estuaire a toujours estimé, à tort, que la nomination d’un des leurs à la Primature, était un acquis. De ce fait, il devenait illusoire de se battre ou de mouiller le maillot sur le terrain politique. La nomination à la Primature de Raymond Ndong Sima en 2012 a jeté un pavé dans le marigot estuarien et réveillé ces fils gâtés du système, de leur torpeur. Les choses avaient changé !

La première entorse à cette loi omarienne, en effet, est apparue en 2012 avec la nomination aux fonctions de Premier ministre de Raymond Ndong Sima, natif du Woleu-Ntem. Puis  Daniel Ona Ondo (2014-2016) originaire de la même province et enfin, Emmanuel Issozet Ngondet (2016-2019) de l’Ogooué-Ivindo. Ce virage à 180 degrés d’Ali Bongo Ondimba répondait aux contingences géopolitiques et géoethniques qui s’imposaient, amplifiées en cela par les atermoiements d’une l’élite politique de l’Estuaire qui se livrait une guerre aux sabres. Quand d’autres camarades faisaient l’Autruche : PDG le jour, opposition, la nuit. 

Le dernier groupe de militants, sans doute par peur ou ostracisés, s’est volontairement mis en réserve du Parti démocratique gabonais pour sauver leur peau. Toutes choses qui ont eu pour effet de réduire l’influence du « parti de masse » dans la province de l’Estuaire.  Ces dérives, qui persistent dans certaines circonscriptions, risquent de mettre le parti à mal en 2023, si elles ne sont pas gommées. Conscient de ce danger, le secrétaire  général du Parti Démocratique Gabonais (PDG) Steeve Nzegho Dieko a, lors de sa tournée dans le Grand Libreville autour du concept « Le rendez-vous du militant », il y a quelques jours, interpellé l’élite politique de l’Estuaire à sortir de sa torpeur et des luttes intestines, préjudiciables au parti et au « Distingué camarade président (DCP) » du PDG. Le message a-t-il été entendu ? Pas si sûr ! 

Dans ce climat  d’incertitude, certains hiérarques du PDG jugent « risqué » de confier la Primature à un ressortissant de la province de l’Estuaire, à quelques mois de 2023, sans avoir eu au préalable des « preuves et des garanties de cohésion des camarades de ce côté. Car, les mêmes causes produisent les mêmes effets », a déclaré un ancien parlementaire originaire de cette province.

Du coup dans le Woleu-Ntem l’on se met à rêver. Après Charles Mba Ekome, le nom de François Engongah Owono commence à s’imposer également. Membre fondateur du courant des Rénovateurs du PDG, en réalité, le laboratoire qui devait préparer et former politiquement Ali Bongo Ondimba pour la magistrature suprême, ce grand commis de l’Etat, « stratège politique et fidèle parmi les fidèles, est passé par monts et par vaux, dès l’accession d’Ali Bongo au pouvoir », a en croire ses proches. Écarté du cercle du pouvoir, comme la plupart « les Rénos » par les nouveaux « amis » circonstanciels du nouvel élu, il payera fort sa proximité avec Ali Bongo Ondimba. 

François Engongah Owono n’a jamais démissionné du Parti démocratique gabonais malgré le fait qu’il a été ostracisé, d’abord par les proches de Maixent Accrombessi Nkani, ensuite par les « BLA boys » et enfin par la « Young Team ». Il ne s’est jamais mis en opposition à Ali Bongo Ondimba, comme l’ont fait d’autres membres du PDG. Humilié et rabaissé – il n’est pas le seul – par cette génération primesautière, Eboué, comme l’appellent ses proches a, au contraire, depuis 2009, toujours mis à contribution sa grande expérience au service de son parti et de son leader dans le Septentrion.


A un an de la présidentielle de 2023, Ali Bongo Ondimba devrait s’entourer d’hommes et de femmes d’expérience aussi bien au gouvernement qu’au sein du Parti démocratique gabonais, qui connaissent le terrain et dont la première mission est de servir et non se servir. Sa réélection, puisqu’il a déjà annoncé sa candidature, se fera à ce prix.

Harold Leckat

Juriste contentieux, Fondateur et Directeur de publication "La chute n'est pas un échec. L'échec est de rester là où l'on est tombé ", Socrates

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