Le gouvernement, à la faveur d’une modification par ordonnance du Code la communication, s’est prononcé sur le sort réservé aux entreprises du secteur, coupables d’un délit de presse. Si elle exclut de façon ferme les sanctions privatives de liberté, cette ordonnance aux relents liberticides réprime immodérément, par des sanctions administratives, des aspects qui touchent le coeur de la profession et l’essence même de cette dernière consacrée par notre Loi Fondamentale, à savoir la liberté d’expression.
Le Code de la communication a fait l’objet par voie d’ordonnance d’une révision partielle de certains de ses articles dont celui relatif aux sanctions administratives en cas de délit de presse. C’est plus précisément l’ordonnance n° 00000012/PR/2018 du 23 février 2018 modifiant et complétant certaines dispositions de la n°19/2016 du 9 août 2016 portant Code de la communication en République Gabonaise, qui consacre lesdites modifications lesquelles suscitent interrogations et polémiques.
L’une des modifications majeures, née de cette ordonnance est sans aucun doute l’érection de l’article 199 bis de l’ordonnance précitée qui nous instruit dans sa lettre en ces termes : « Par l’effet de la présente ordonnance, il est exclu toute sanction privative de liberté en cas de manquement aux dispositions de la présente ordonnance et règlements en vigueur, notamment les infractions commises par voie de presse ». Le législateur est limpide et manifeste, les délits en matière de presse ne peuvent désormais légalement conduire en prison ceux–là qui s’y sont rendus coupables.
A première vue, la volonté du législateur paraît noble pourrait-on dire, mais ne vous y méprenez pas car se cache derrière cette entourloupe juridique, une volonté non dissimulée de faire pression sur les organes et entreprises de presse dont la verve et la liberté de ton gênent visiblement aux entournures.
C’est en portant notre regard sur l’article 183 nouveau dudit Code ques les velléités liberticides de cette modification du Code de la communication s’expriment et se consolident. Les sanctions administratives comprennent entre autres dans son alinéa 1 premièrement, « la suspension du programme , de la rubrique ou du média en cause pour une durée maximum de 30 jours » , deuxièmement sur « le retrait provisoire de l’autorisation d’émettre ou de paraître qui ne peut excéder 3 mois » et enfin, et troisièmement concernant « le retrait provisoire de l’agrément technique qui ne peut excéder 6 mois ».
Le législateur va en sus des dispositions précitées prévoir à l’alinéa 2 et 3, « l’interdiction définitive de parution d’un organe de presse » et « le retrait définitif de l’autorisation d’émettre ou de paraître et de l’agrément technique du secteur de la communication ». Pareilles dispositions portent atteinte de façon flagrante, à la liberté de la presse et à la liberté d’entreprendre.
Sans la moindre réticence, l’ordonnance l’ordonnance n° 00000012/PR/2018 du 23 février 2018 tord le coup à un principe édicté par la Déclaration des Droit de l’homme et du Citoyen dont l’article 4 consacre la liberté d’entreprendre en donnant à autrui la possibilité de « pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.. ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ».
Non content de violer ce principe, cette nouvelle disposition du Code de la communication contrevient aux dispositions de l’article 1er alinéa 3 de notre Constitution qui garantit « la liberté de conscience, de penser d’opinion, d’expression et de communication » en ayant pertinemment la conscience de ce que nul ne doit être inquiété pour ses opinions.
Mieux, le législateur se dit en même temps qu’il se dédit car fondé des dispositions dudit Code en son article 11 disposant que « Toute intervention tendant à restreindre ou à suspendre directement ou indirectement, la liberté de la presse écrite… constitue une entrave à la liberté de communiquer », il se déduit que la pertinence d’un tel article, devant les tribulations de son auteur, nous invite à constater, avec gravité, l’incohérence d’une telle modification.
La posture du législateur vis-à-vis de la liberté de la presse et de la liberté d’entreprendre ne manquera pas de susciter les réactions des acteurs du secteur de la communication. Une posture, par dessus tout, aux antipodes de la volonté du chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba et du gouvernement de la République qui s’emploient activement pour faire venir sur le sol gabonais, des investisseurs étrangers.
Pareille entreprise visant à voter des lois dont certaines dispositions sont liberticides participe-t-elle à la promotion de la destination Gabon ou inquiète-t-elle les potentiels investisseurs au regard du rang que le pays occupe déjà aussi bien sur le Doing Business, que sur le classement de Reporters sans frontières (RSF) ?
Portée par ce desideratum maladif tendant à limiter la liberté de la presse, en dépit des appels lancés par Reporters sans frontières, qui classe le Gabon au 115 ème rang mondial des pays où la liberté de la presse est garantie, le législateur a consacré et adjoint des dispositions qui se révèlent être, in fine , totalement antinomiques.
Au comble de l’incohérence, certaines dispositions de l’ordonnance n°00000012/PR/2018 du 23 février 2018 brillent par leur aspect anticonstitutionnel au regard des nombreuses dispositions fondamentales dont elle viole la substance et de la liberté d’expression dont elle souille les principes.