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Décès du Professeur Mike Moukala-Ndoumou: disparition d’un «autochtone» de l’université

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De quelles ressources disposons-nous, en tant qu’universitaires, face à l’énigmatique survenue de la mort ? Nulle, sinon l’audace de continuer d’écrire, de remplir de mots le vide vertigineux laissé par le disparu, précisément pour refuser de laisser à la mort, le dernier mot. Faire mon deuil, nécessite donc que je procède par le rituel auquel s’apparente l’acte d’écrire.

Et les premiers mots qui me viennent à l’esprit, pour nommer non pas la mort de Mike mais, tout autrement, sa vie sont : « un autochtone de l’université ». Mike était assurément un « autochtone », parce qu’il avait fait « profession de l’université » (J. Derrida), au sens presque clérical du terme, en assumant une triple fidélité au lieu, à la science et à la communauté.  

D’abord, la fidélité au lieu, car depuis l’époque de notre recrutement à l’université en 2001, et jusqu’à sa disparition prématurée, Mike a quasiment habité l’espace académique de sa présence insistante, patiente. Durant toutes ces années, nous étions quelques uns à nous retrouver systématiquement les samedis, les dimanches et même pendant les vacances, Joseph Tonda, Mesmin Soumaho, Thierry Ekogha, Mike Moukala-Ndoumou, Flavien Enongoué  et moi-même. Et même lorsque Mike fut récemment promu aux fonctions de Secrétaire général Adjoint de l’UOB, chacun pouvait constater par son véhicule garé en contrebas de l’immeuble abritant le pôle scientifique, que la régularité de sa présence au centre de recherches n’avait guère été modifiée.

Ensuite, la fidélité à la science, en cela que Mike était un travailleur infatigable, une espèce de serial chercheur, qui ne laissait pas de lire, d’écrire et de contribuer à tout projet scientifique local ou international. Le format de cette tribune serait insuffisant pour recenser le nombre de ses productions. Qu’il suffise de relever qu’il venait d’achever deux ouvrages volumineux, sur les questions d’épistémologie des sciences humaines et les humanités endogènes ou « afrocentriques ». 

Enfin, la fidélité à la communauté, par la radicalité de son engagement syndical (président de la section SNEC/UOB) et sa collaboration spontanée à tous les projets scientifiques de l’institution. Autant que mon agenda personnel me le permettait, je relisais la plupart de ses manuscrits avant publication, preuve qu’il était empreint d’une grande humilité intellectuelle. Comme dernier acte en date, la création avec d’autres collègues, d’une corporation savante dénommée Ecole de Libreville, et dont la vocation scientifique est de produire des « savoirs endogènes ». Mike en fut unanimement désigné coordinateur scientifique.

La posture universitaire exemplaire qu’aura incarnée le Professeur Mike Moukala-Ndoumou, était soutenue par une haute et inoxydable idée de l’institution universitaire, productrice d’une « endurance de l’esprit » qui est, « […] à la fois une forme de foi, en la mission sociale, scientifique et spirituelle de l’université. (Je vivrai ; dussé-je en mourir, je maintiendrai) et, par elle, une ouverture critique à tous les possibles » (V.Y. Mudimbé). Alors si le corps matériel peut périr, il n’en va pas de même pour les graines symboliques que le Professeur Moukala-Ndoumou aura continûment semées dans les terres académiques, pour que germe dans un immense foisonnement de savoirs, une nouvelle race d’universitaires, élevant toujours plus haut, par-delà les calculs bassement matériels et les jeux de pouvoir, l’étendard supérieur de la Science…

Pr. Steeve Robert RENOMBO,

Maître de conférences/ HDR,

Vice-Doyen de la FLSH

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