Nous sommes tous en colère, et certains parmi nous ont plus de raison de l’être car ils ont perdu des proches (enfants, frères, sœurs, oncles, tantes, pères et mères) pendant cette crise post-électorale au Gabon. D’autres encore sont en attente devant les commissariats, les morgues et les tribunaux où se trouvent les leurs. A tous ces compatriotes, je tiens à présenter mes condoléances, mes hommages et mes encouragements.
Nous savons tous (même ceux qui s’attachent encore à leurs salaires ou privilèges illusoires du moment) que le changement de gouvernance et, par ricochet, de dirigeants est inéluctable. Que dis-je, une nécessité.
Conscients que cette élection était la première d’une ère nouvelle pour notre jeune démocratie, nous avons tous (journalistes engagés, militants, citoyens…) eu à cœur d’œuvrer pour que cela soit la dernière fraude flagrante que notre pays connaisse. Malheureusement, les forces du mal visibles et invisibles ont agi et ont frappé fort. Nous voilà confrontés à une crise post-électorale sans précédent. Comment en sommes-nous arrivés-là ?
Genèse d’une crise annoncée
Le 31 août dernier, alors que l’attente des résultats s’était déjà faite longue (cinq jours), nous avons tous été surpris d’apprendre que c’est le Haut-Ogooué qui nous avait valu une si longue attente. Mais ne vous y méprenez pas. Car il ne s’agit pas ici d’incriminer une province ou une communauté. D’ailleurs, la déclaration sur nos colonnes des Altogovéens libres lève toute équivoque à ce sujet.
A l’origine de cette crise post-électorale, la déclaration ce même jour du ministre de l’Intérieur, Pacôme Moubelet Boubeya, annonçant Ali Bongo Ondimba vainqueur du scrutin du 27 août, crédité d’un score de 95,46% dans le Haut-Ogooué, avec un taux de participation historique de 99,93% dans la même province. Inutile de préciser que ce sont ces chiffres qui ont mis le feu aux poudres.
L’opposition a très vite réagi et la communauté internationale n’a pas manqué d’appeler au respect des urnes, donc de la volonté du peuple. Ce peuple, blessé, trahi et déterminé, a décidé de mettre fin à un demi-siècle de manipulation, de brimades et de soumission. Il s’est levé comme un seul homme et a marché dans les rues de tout le pays. Conséquences et bilan ? Chacun peut se faire sa petite idée en lisant les chiffres donnés par notre confrère France 24.
Je salue au passage le travail remarquable de certaines de nos forces de l’ordre qui ont su gérer cette crise en se contentant de faire leur devoir. En revanche, je regrette que l’usage de la force d’autres corps habillés non identifiables par les populations ait été aussi loin, avec les conséquences dramatiques que nous connaissons tous et que nous condamnons avec la dernière énergie.
L’amour de la justice doit nous rendre plus justes
Aujourd’hui encore, nous brûlons d’un feu dont la candeur est proche du magma. Notre soif de démocratie et de liberté est telle que notre peur habituelle s’est muée en un rien qui nous effleure à peine pour nous rappeler que nous sommes encore humains. Car ce désir d’en finir avec le Parti Démocratique Gabonais (PDG) et ses pratiques rétrogrades a transformé chaque Gabonais en soldat volontaire pour la libération du Gabon. Le pays a connu les heures les plus sombres de son histoire des contestations post-électorales. Et l’accalmie du moment n’est pas plus rassurante.
Cependant, je voudrais que chacun de nous, dans cette folle course à la liberté et au respect des lois de notre pays, prenne le temps de penser aux raisons qui nous ont poussées à choisir un camp. Nombreux parmi nous sont fils et filles de militants de l’opposition ou de la majorité depuis belles lurettes. D’autres sont des simples citoyens ou des citoyens engagés et actifs. Nous avons tous fait le choix de soutenir un parent, un camp, une cause, un idéal. Etait-ce le bon ? Seule l’Histoire le rappellera à chacun. Les Nazi et leurs partisans lisent toujours la leur.
Nous avons été et nous sommes encore tous victimes de nos choix. Des coupables ? Il y en a résolument. Mais en pareille situation, sachons raison garder. Plus que la raison, ne fermons pas nos cœurs. Nous nous battons contre la dictature, l’injustice, la haine, l’obscurantisme, la violence, l’indifférence et le mépris. Nous ne pouvons pas céder aux mêmes travers que nous combattons, excepté si ces derniers sont nécessaires pour faire cesser ces maux. L’amour de la justice doit nous rendre plus justes.
Soyons plus démocrates. Soyons plus humains. « Le Gabon à l’abri de la peur », c’est un Gabon dans lequel même les Pédégistes se sentiront en paix et en sécurité.
Nelson Mandela disait : « Etre libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres ».